Perriers la Campagne : Qui se souvient du Prince Kita ?

Canton de Beaumont
Accident d'automobile à Perriers la Campagne (Extrait de l'Avenir de Bernay du 7 Avril 1923)
Le Prince Kita beau-frère du Mikado et son chauffeur sont tués. La Princesse Kita, le Prince Asaka et la dame de compagnie sont blessés.
Ce terrible accident s'est produit dimanche, sur la route Paris-Cherbourg à Perriers la Campagne, commune située à 3 Kms de la Rivière Thibouville, dans la direction de Paris. Il met en deuil la famille impériale du Japon. Le Prince Kita, de son nom exact Nuruhisa Kitashirakawa, né à Tokio en 1887 avait épousé en 1909 la Princesse Fusako née en 1890, fille de l'Empereur Mutsuhito qui fit la guerre russo-japonaise ; elle est soeur du Mikado actuel et ils ont 4 enfants. Le Prince Asaka âgé de 36 ans est également un beau-frère de l'Empereur du Japon par son mariage avec la Princesse Nabuko, il est père de deux enfants. L'autre victime est le chauffeur Victor Deliat, âgé de 40 ans, marié, habitant Paris, rue Lalo. Enfin la dame de compagnie, Mademoiselle Elisabeth Sauvy, 23 ans, a été blessée, mais plus légèrement.
L'Accident
Le Prince Kita, la Princesse son épouse, leur beau-frère, le Prince Asaka avaient, accompagnés de Melle Sauvy et du chauffeur Deliat, quitté Paris dans la matinée de dimanche pour une promenade en Normandie.
Le Prince Kita conduisait lui-même sa voiture, une Voisin de 24 chevaux ; on s'arrêta à Evreux et après un déjeuner plein de gaieté à l'Hôtel du Grand Cerf, les voyageurs reprenaient leur route vers Lisieux.
A l'endroit de l'accident, la voie est superbement droite, propice aux grandes vitesses et le Prince lança sa voiture à plus de 100 à l'heure. Il venait de doubler une autre auto, quand en reprenant sa route il se trouva entraîné vers le bas-côté ; sa grande vitesse, peut-être aussi un manque d'habitude - le Prince Kita n'avait son permis de conduire que depuis deux mois - ne lui permirent pas de reprendre sa route et l'auto donna dans un arbre.
Le choc dut être épouvantable et l'on s'étonne même que tous les voyageurs n'ont pas été pulvérisés : l'auto est littéralement en miettes : organes moteurs, carrosserie sont dispersés en tous sens, cassés et tordus, les coussins maculés de sang sont épars sur le bas-côté.
Suit la description détaillée de l'arrivée des secours bien moins rapide à cette époque que de nos jours.
Les morts sont mis dans une chapelle ardente dans l'église de Perriers et les blessés acheminés à Bernay dans la clinique du Docteur Gombert, dans un camion de la Maison Bouchon où ils n'arrivèrent que vers 7 heures du soir!
L'Ambassade du Japon délègue aussitôt à Bernay M. Sato, Conseiller d'Ambassade.
A la suite de l'accident, le Président de la République a adressé un télégramme à S.A. Impériale, le Prince régent du Japon.
De son côté Monsieur Poincaré, Président du Conseil, a fait porter ses condoléances à l'Ambassadeur du Japon à Paris.
Puis les corps du Prince et de Monsieur Deliat sont acheminés à Bernay à l'Hôpital où a lieu la mise en bière et le retour sur Paris.
A PARIS
Le corps embaumé du beau-frère de S.M. l'Empereur du Japon est arrivé lundi soir à Paris, vers 6 heures, avenue Hoche.
L'Ambassadeur du Japon à Paris a donné des instructions pour que son hôtel soit mis à la disposition des autorités japonaises. On a donc transformé en une chapelle ardente l'un des salons, et c'est là que le cercueil du Prince a été exposé.
Les murs ont été tendus de soie blanche, un immense tapis, blanc également, couvre le parquet, et c'est au milieu de cette chapelle ardente, toute blanche, que le cercueil est exposé.
Le Général Shizuma, représentant le Japon à la Société des Nations, et l'Amiral Ako, assistaient au transfert du corps.
Tout autour du cercueil ont été déposés les couronnes de fleurs naturelles, chrysantèmes, roses, lauriers, que l'on n'a cessé d'apporter à l'Ambassade durant la matinée et le commencement de l'après-midi.
Enfin, devant le catafalque, sur un plateau, ont été déposées les offrandes aux divinités, une carpe, du riz, des asperges, de la volaille et de l'eau pure.
LES FUNERAILLES
On sait que le Prince appartient à la religion shintoiste qui est la religion particulière à laquelle s'est ralliée toute la cour du Japon. On n'est donc pas encore fixé sur la question des funérailles, car on ne possède, à Paris, ni temple, ni chapelle pour une pareille cérémonie.
Le Prince Kitashirakawa sera transporté au Japon aussitôt qu'un navire japonais voguera vers les Iles nippones. Mais aucune date ne peut encore être fixée, quant à présent ; il n'y a pas de précédent, car aucun membre de la famille impériale n'était décédé en dehors du pays.
Ce récit imagé d'un évènement déjà bien ancien nous fera peut-être ralentir au niveau de la stèle érigée en souvenir du Prince Kita au bord de la Départementale 613 (Anciennement RN 13) au virage encore bien dangereux de cette portion de route que nous empruntons si souvent.
Suite à un accident de voiture à cet endroit en 2015, la stele a été déplacée  au cimetière de Perriers la Campagne, une plaque a été installée à la place.

Perriers la Campagne Stèle à la mémoire du prince Kita.jpg

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